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9 janvier 2020 4 09 /01 /janvier /2020 07:00
Avec Yaroslav Popovych au critérium du Zénith à Aubière en 2010

Avec Yaroslav Popovych au critérium du Zénith à Aubière en 2010

Dmitriy Fofonov, Auvergnat d'adoption !
Dmitriy Fofonov, Auvergnat d'adoption !
Dmitriy Fofonov, Auvergnat d'adoption !

Ce reportage sur Dmitriy Fofonov vous est proposé par Patrick Dorkel " As du Cyclisme "

 

Dmitriy Fofonov, Auvergnat d’adoption, a participé à 11 Grands Tours Internationaux

 

 

Arrivé en 2000 chez Besson-Chaussures, l’équipe managée par Patrick Bulidon, Dmitriy Fofonov a pris racine en Auvergne sur les coteaux de Clermont-Ferrand. Auteur d’une belle carrière professionnelle de 1999 à 2012, le coureur kazakh s’est reconverti en tant que manager du Team Astana où il a dirigé Vincenzo Nibali, Jakob Fuglsang, Miguel Angel Lopez… Un parcours riche en rebondissements qu’il nous détaille depuis son enfance et ses premiers amours avec le cyclisme.

 

Tu viens d’un pays peu connu en France qui doit sa notoriété dans le sport grâce à l’équipe Astana, parle-nous de tes premières années.

 

Je suis né le 15 août 1976 à Almaty, l’ancienne capitale du Kazakhstan. C’est un pays immense grand comme cinq fois la France, peuplé par 18 millions d’habitants. Le centre est composé de steppes au climat continental très dur. Il peut faire 55° l’été mais -50° l’hiver. Les villes sont espacées parfois de plusieurs centaines de kilomètres. A 120 km d’Almaty, il y a des sommets à plus de 7000 m d’altitude. L’hiver la pratique du cyclisme est impossible. On allait marcher, courir en montagne. A Almaty, il y avait un centre sportif célèbre et une patinoire à 1700m où de nombreux records du monde ont été battu.

Mon père installait des complexes électriques, ma mère peignait des portraits. J’ai aussi un frère qui a pratiqué le cyclisme mais qui a dû arrêter suite à une grave blessure au genou.

 

Comment es-tu venu au vélo ?

 

Par hasard ! Mon oncle faisait du vélo. A l’âge de neuf ans, pour mon anniversaire, il m’a emmené au vélodrome d’Almaty où l’on a regardé les cyclistes tourner. Puis nous nous sommes approchés de la barrière. Mon premier entraîneur, Édouard Yanchevskiy m’interpelle : « Gamin qu’est-ce que tu regardes ? Viens ici je te prête un vélo pour essayer ». J’ai aimé cette sensation, malgré une chute avec le pantalon pris dans le pédalier.

 

Raconte-nous tes premières années de compétition.

 

Il y avait sept clubs de vélo à Almaty. On faisait de la course à pieds, du cyclo-cross l’hiver dans la neige. Les clubs nous prêtaient des vélos. Avant de débuter sur la route, notre entraîneur nous enseignait le code de la route et nous devions savoir démonter et remonter un vélo. Ma première course, sur la piste, j’avais oublié mes chaussures, j’ai couru en baskets et remporté de nombreux sprints car j’avais une bonne pointe de vitesse. De l’âge de 9 ans à 16 ans, j’ai pratiqué la piste. Chez nous la route sans la piste ça n’existait pas. J’aimais beaucoup cette ambiance. J’ai été Champion du Kazakhstan de la course aux points devant Sergei Lavrenenko 3e du Championnat du Monde en Colombie.

 

Tu fais partie de l’équipe nationale ? Quels étaient les coureurs sélectionnés ?

 

Sur la route je me suis distingué sur le Championnat National et sur le Tour du Kazakhstan. Dès les juniors, je suis entré en équipe nationale. Nous courrions en Italie, le Reggio Tour, le Tour de Turquie, le Tour de Chine que j’ai remporté en 1998, l’année qui a suivi la victoire de Jean-Philippe Duracka.

L’équipe, sur les courses internationales, regroupait : Alexandre Vinokourov, Sergeï Yacovlev, Andreï Kivilev, Andrey Misourov… Nous étions quelques années plus tard la 11e nation au niveau mondial ; aujourd’hui nous sommes 19e. Au Kazakhstan, il n’y a pas cette culture de courses de villages comme en Belgique ou en France. L’équipe nationale était basée à Cologne, en auberge de jeunesse, pour aller courir en Europe avec notre petit Ford Transit.

 

Comment se passe le passage chez les professionnels pour les coureurs de l’équipe ?

 

Chez nous nous étions sponsorisés par une compagnie aérienne. Puis Kivilev est parti en Espagne chez Burgos, Vinokourov est venu à Saint-Etienne chez Casino. Notre fédération gardait un noyau de coureurs sur lesquels elle avait investi. L’équipe s’est ensuite installée à Brakel à côté du Mur de Grammont. En tant que junior, j’ai couru des épreuves avec les professionnels comme le Tour de Turquie. Les gars nous prenaient pour des fous ; après la course il n’y avait pas de massage mais une sortie de récupération de 30 km !

 

Quand es-tu passé pro ?

 

Je suis passé pro en Belgique en 1999 chez Collstrop avec Misurov. Mon ami Guido Debleser m’a beaucoup aidé lors de mon arrivée chez les pros. Il me prêtait sa voiture pour aller courir. A l’époque je parlais un peu Anglais c’est tout, aujourd’hui je parle cinq langues. La première année je me suis fait opéré des végétations et je me suis marié ! Après un mois de préparation à 1700m d’altitude, j’ai couru le Tour de Langkawi avec l’équipe nationale.

Après les 30° du Tour de Langkawi, j’ai passé une semaine dans le garage à faire du home-trainer, il pleuvait tous les jours. Au printemps, j’ai disputé les classiques. C’était mon apprentissage, nous n’avions pas d’oreillettes et ces classiques il faut les connaître avec le vent, les monts, les pavés, les chutes, les cassures… toi tu arrives, tu ne connais pas le nom des villages, tu ne sais pas où tu es, où tu vas… Sur le Het Volk j’ai crevé quatre fois ; à chaque fois je suis revenu avant une chute. C’était la goutte de trop. J’ai reconnu une route d’entraînement non loin de chez moi, je suis rentré à la maison. Le directeur sportif m’a appelé « tu es où, on te cherche partout ? Il y a un contrôle »… J’apprenais le métier… Le dimanche matin on se retrouvait à Ostende pour s’entraîner en groupe. Il y avait un peloton immense, ça roulait à cinquante à l’heure… Voilà ma première année pro !

 

Comment te retrouves-tu chez Besson ?

 

Au Championnat du Monde en Italie, j’ai été contacté par Patrick Bulidon et Jean-Philippe Duracka. Lors de mon premier stage d’entraînement à Luchon, j’ai renversé une mamie, sans mal heureusement, ça commençait bien ! Il faisait froid j’étais emmitouflé dans un survêtement. Mes équipiers couraient comme des amateurs ; c’était la bagarre, les sprints aux pancartes. Ils me voyaient bien enveloppé, pas encore au poids de forme « le cochon belge »… Moi je respectais plutôt un programme issu de la piste pour préparer mes courses. La première course, La Marseillaise, je n’étais pas dans la sélection ! Patrice Esnault me dit : « tu ne marches pas ». J’ai compris que je devais faire mes preuves. Nous avons monté Peyresourde à l’entraînement, j’ai lâché tout le monde. J’ai donc été sélectionné pour La Marseillaise (10e).

 

Tu disputes le Midi Libre et le Tour de l’Avenir

 

J’ai bien marché dans le Tour de l’Avenir où j’ai porté le Maillot à Pois. On est parti dans une échappée avec Sylvain Chavanel. On était tous les deux en tête, quand je crève. Chavanel m’attend. Chapeau Sylvain ! On est repris à 500m de l’arrivée. On s’est bagarré ensuite pour le maillot. Il attaquait tous les jours au km zéro. Je me suis dit celui-là c’est un fou furieux, j’ai visé le général, j’ai terminé 6e.

 

Tu changes d’équipe l’année suivante. Quand disputes-tu ton premier Tour de France ?

 

Je suis repéré par Cofidis, une grosse formation avec Nico Mattan, David Millar, David Moncoutié, Jo Planckaert… J’avais un rôle d’équipier quand Millar prenait un maillot de leader. J’ai d’abord couru trois fois la Vuelta. (4e d’une étape en 2001) avant de disputer mon premier Tour de France.

Au début je n’ai pas aimé le Tour avec une foule, une pression énorme. On partait de Belgique. C’était le Tour des Flandres tous les jours. Peter Farazijn est arrivé cinq minutes avant le départ. Matthiew White était parti s’échauffer, il s’est fracturé la clavicule. L’équipe a téléphoné à Farazijn qui n’habitait pas loin. Il croyait que c’était une blague. Du coup les média belges l’ont suivi durant toute la grande boucle, il a été surnommé le « Roi des Belges » ce qui lui a procuré une popularité énorme…

 

Comment se passe ce premier Tour ?

 

On a essuyé 13 jours de pluie. Un chien traverse la route je tombe avec Moncoutié. Le Tour c’est une course à part, les coureurs frottent, le public est excité, tu dois subir les transferts, être là à 7h du matin... tu as l’impression que tu t’es levé pour être pris dans une énorme machine jusqu’à l’heure du coucher. Dans les Pyrénées, je me dit Dmitriy, faut aller au charbon ; lors d’une attaque un coureur me rase, je vais au sol et provoque la chute de l’équipe US Postal dont Lance Armstrong ! Dans ma tête, néophyte sur le Tour, je n’étais pas bien. Ekimov de l’US Postal est venu me voir, il m’a dit « ne t’inquiète pas on a vu comment ça s’est passé, ce n’est pas ta faute ». La journée de repos à Nîmes m’a fait du bien. Je pars dans une échappée. Après deux heures de bagarre, il restait une bosse à passer pour jouer la victoire. On voit débouler Lance Armstrong dans le groupe de tête, on ne comprenait pas pourquoi le Maillot Jaune roulait comme ça. En fait, il ne voulait pas que Filippo Simeoni avec qui il était fâché ne gagne ce jour-là !!! J’ai terminé 3e de l’étape de Lons-le-Saunier. En 2005, j’ai terminé 4e d’une étape au Giro.

 

Pourquoi vas-tu au Crédit Agricole ? Ton meilleur souvenir, c’est le Dauphiné ?

 

Lors de Paris-Corrèze, j’avais le Maillot de leader et l’équipe ne pas beaucoup aidé dans la dernière étape. Je marchais bien, j’avais terminé 4e du Championnat de Zurich. Après cinq ans chez Cofidis il fallait changer d’air. Pour un coureur c’est motivant de changer d’équipe. Au Crédit Agricole, j’ai disputé trois Tour de France. La première année en 2006, je ne suis pas sélectionné mais je termine second d’une étape sur la Vuelta, il me manque une demi-roue pour la victoire. Depuis ma victoire au Tour de Catalogne, je n’avais pas gagné et c’est vrai que cette victoire d’étape dans le Dauphiné reste mon meilleur souvenir.

 

Dmitriy Fofonov, Auvergnat d'adoption !
Chrono de Grenoble (Tour de France 2011)

Chrono de Grenoble (Tour de France 2011)

Tour de l'Avenir 2000 (en compagnie de son compatriote Sergueï Yakovlev)

Tour de l'Avenir 2000 (en compagnie de son compatriote Sergueï Yakovlev)

Pour toi qui a été ton meilleur directeur sportif ?

 

C’est une question difficile et je suis influencé sûrement par mon arrivée chez les pros. Je dirais Hilaire Van der Schueren. Ce qui paraît incroyable c’est qu’il n’a jamais été coureur cycliste mais il a un énorme feeling avec les coureurs. Chez Cofidis, Francis Van Lodersele était très pointu côté technique mais Bernard Quilfen avait plus d’expérience. Il m’a fait comprendre qu’une pièce avait deux faces. Après le Tour de Wallonie, j’avais abandonné. Un gars du staff me reprochait de ne pas faire le métier à fond. Cette réflexion m’avait blessé. J’avais répondu (pas de compteur Strava à l’époque) « Tu ne sais pas comment je m’entraîne ! Je fais des sorties de 240 km tout seul ! » Bernard Quilfen a vu ce qui s’était passé il m’a dit : « Tu t’es peut-être trop entraîné ? » Il m’a proposé de rentrer à la maison de me reposer. En plus un mécano qui rangeait les vélos vient me dire qu’il avait trouvé un problème sur une manivelle ! « Je comprends que tu n’as pas marché aujourd’hui » ! Voilà il y a plusieurs façon d’approcher les coureurs cela m’a servi d’expérience pour ma carrière de directeur sportif chez Astana.

 

Tu finis ta carrière chez Astana

 

Je suis devenu Champion du Kazakhstan et Champion d’Asie en 2009. J’ai révisé mes objectifs, je me suis mis au service de l’équipe. En 2012, j’ai terminé le Tour avec le scaphoïde cassé. Il y avait un gros transfert de Brive à Bonneval. Vino me dit qu’il arrête la saison prochaine. Et là on me propose de devenir directeur sportif chez Astana.. De Bonneval à Chartres j’ai effectué le plus long chrono de ma vie. Dans ma tête je n’étais plus coureur. Pourtant à ce moment-là j’avais une proposition de contrat de deux ans chez Garmin. Finalement j’ai pris la décision d’arrêter et de me reconvertir.

 

Quel est le champion qui t’a le plus impressionné ?

 

Peut-être Contador ! Quand tu le vois, tout frêle, il n’a pas la carrure d’Armstrong ou de Vino qui sont de véritables machines à rouler. Mais il avait un mental extraordinaire. J’ai dirigé Vincenzo Nibali, c’est quelqu’un de très calme, intelligent. Il est très bien entouré, sensible. Avec Vino c’était différent, c’était un ami d’enfance mais un champion d’exception.

 

Dans ton métier qu’est-ce qui est le plus dur ? Comment se passe le recrutement ?

 

Quand le regretté Scarponi est décédé on s’est tous investi à 100 %, on a changé les vélos, monté des programmes d’entraînement, mis en place des réunions, restructuré l’équipe, tout le monde a travaillé très dur, on était tous au maximum et à la sortie tu n’as pas de résultats !!! En tant que dirigeant, tu prends ça pour toi. Après les victoires sont arrivées (26) mais tu passes un moment à douter.

Nous avons une liste de coureurs en fin de contrat, nous sommes en contact avec les managers, il y a les budgets à respecter. L’équipe Astana Motors (continentale) nous permet de suivre et de recruter quelques coureurs talentueux.

 

Pour terminer, raconte-nous une histoire amusante survenue dans ta carrière

 

Au Circuit des Mines, que Vino a remporté, j’étais dixième au général, et nous disputions l’étape contre-la-montre. Je rejoins un coureur parti devant moi. A l’époque au Kazakhstan, il n’y avait pas les rond-points comme en Europe, nous n’étions pas habitué. Il se met à pleuvoir puis à grêler. Sur un rond-point le motard qui ouvrait la route disparaît. Je vois la route barrée, j’entends klaxonner, j’ai compris que j’avais fait une erreur de parcours, la seule fois dans ma carrière ! Du coup j’étais hors course, les commissaires m’ont repêché !

 

- Dans la même collection proposée par Patrick Dorkel

Fernand Farges : http://veloquercy.over-blog.com/2019/11/il-y-a-50-ans.fernand-farges.html

Gérard Ondet :  http://veloquercy.over-blog.com/2019/11/il-y-a-50-ans.gerard-ondet.html

 

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